Comment analyser les usages des équipements en place ?
«Mettre en place un Tableau de bord – analyser les usages des équipements -Benchmarking des autres collectivités».
Lors de la dernière édition de Ludovia 2012, AMO-TICE intervenait au cours de l’une des session dédiées aux collectivités, intitulée : « comment mettre en place et suivre ses politiques d’investissement en matière de numérique éducatif », au côté de : Jean-Michel Fourgous maire d’Elancourt, Roger Masson région Rhône-Alpes, Pascale Luciani Boyer, représentante AMIF et porte parole AMF, Eric Mazo région PACA.
On le sait depuis plusieurs années, il subsiste en France un réel écart entre le taux d’équipement en matériel numérique et informatique et leurs faibles taux d’utilisation.
Selon Jean Michel Fourgous, maire d’Elancourt et auteur de deux rapports sur l’école numérique, pour éradiquer cette anomalie, les collectivités locales, en charge de financer ces équipements, doivent établir un cadre de suivi et d’analyse des usages, qui leur permettra de suivre leurs politiques d’investissements mais surtout, de corriger tout dysfonctionnement des matériels et remédier dés que possible à une perte de vitesse des usages.
Suivre et analyser les usages des équipements, c’est « donner à la révolution numérique en marche, les moyens d’interagir sur la réussite éducative », « donner aux enseignants les moyens d’être suivi et accompagner pour leur permettre de démultiplier la valeur pédagogique de leur métier ».
Grâce à la mise en place d’un tableau de bord, il s’agit ainsi de suivre autrement les pratiques pédagogiques des enseignants afin d’adapter au fil du temps les accompagnements pédagogiques qui leurs sont nécessaires. Car « le numérique bouleverse le métier d’enseignant et il n’y aura pas d’évolution des pratiques sans un renouveau dans la formation initiale et continu des enseignants » comme le souligne Jean Michel Fourgous
Mais le suivi et l’analyse des usages informatiques et numériques dans les écoles supposent deux démarches imbriquées et coordonnées dans le temps.
- La première concerne à la mise en place des piliers nécessaires aux bons fonctionnements des équipements et à l’incitation aux usages
- La deuxième à la mise en place d’indicateurs de suivi pertinents, liée à ces fondement
- Le tout coordonné dans une gouvernance d’ingénierie pédagogique.
1/ Les fondements d’un suivi réussi
Au vu des expériences réussies en matière d’éducation numérique dans les villes de Limoges ou Elancourt, Marie-France Bodiguian, mandatée par les villes de Colombes, Rambouillet et Vanves en tant que bureau d’étude A.M.O pour les TICE, souligne qu’avant d’effectuer tout suivi, il est indispensable de :
- Définir les objectifs d’usages pédagogiques en partenariat avec l’Education Nationale
- Mettre en place les fondements sans quoi l’architecture numérique et informatique de l’école ne saurait perdurer.
Ainsi elle propose, tel que cela a été effectué à Vanves, que les indicateurs des tableaux de bords destinés aux suivis des usages reprennent l’ensemble des paramètres techniques, informatiques, organisationnels, pédagogiques, qui ont été observée comme facteur de réussite en France comme à l’étranger.
De nombreuses expériences ont malheureusement été abandonnées suite à des tableaux numériques interactifs restés dans des cartons, des ordinateurs inutilisés, ou des enseignants démotivés.
Afin d’éviter ces écueils, et par la suite faciliter le suivi des usages, il s’agit principalement autour d’une gouvernance d’ingénierie pédagogique aussi rigoureuse qu’une classique maitrise d’ouvrage, de lister les facteurs :
- techniques relatif par exemple à la configuration des bâtiments, etc.
- informatiques relatif par exemple aux infrastructures réseaux, aux accès et débit internet, au stockage mutualisé des cours ou exercices, etc.
- organisationnels au sein même de l’établissement ou relatif à la maintenance, à la conduite du changement, etc.
- pédagogiques, relatif au projet d’école, à la motivation des enseignants, à leur formation ou accompagnement pédagogique, etc.
Chacun de ses paramètres étant à adapter selon les objectifs initiaux d’usages pédagogiques.
Jean Michel Fourgous invite les collectivités locales à coordonner leurs stratégies en matière de numérique et à développer des postes d’ingénierie pédagogique ou de la sous traiter.
En effet pouvoir effectuer un suivi efficace et une analyse cohérente des usages suppose une organisation préalable coordonnée entre les différents services de la ville, les élus et l’éducation nationale.
L’ensemble de ces acteurs doivent s’entendre pour assurer une continuité de service et entretenir la motivation des enseignants et leur confiance à l’égard des outils numériques.
Car rien de tel qu’un enseignant qui ne peut assurer son cours car seule une partie des ordinateurs est en service, ou que le débit internet ne suit pas.
Rien de tel qu’un enseignant dont la motivation initiale s’essouffle au bout de quelques mois par manque de formation, et d’accompagnement pédagogique à l’utilisation des outils dans le cadre de son programme d’enseignement.
Quoiqu’il en soit on constate malheureusement dans les écoles, précise Marie-France Bodiguian, , un faible niveau des enseignants en matière de connaissances numériques et informatiques.
Le C2i2e est donc, comme le souligne Jean-Michel Fourgous, indispensable pour que les enseignants aient un niveau pertinent pour maîtriser les technologies numériques.
Une des solutions suivie par la Région Rhône Alpes est la carte de l’expérimentation avant la généralisation. Car « face au déploiement massif des outils, l’Education Nationale a du mal à suivre cette dynamique, pour former les enseignants » précise Roger Masson, chef de projet TICE auprès du Directeur des Lycées de la Région Rhône Alpes. On retrouve ici une thématique récurrente du séminaire sur les collectivités locales, la répartition des compétences entre les deux pôles de décisions (État et collectivités locales).
Les expériences menées en Région Rhône Alpes sont suivies de près par les corps d’inspection et la collectivité territoriale.
Roger Masson précise que la Région Rhône Alpes privilégie la méthode de l’expérimentation puis de la diffusion à la culture des tableaux de bords.
2/ Méthodologies des analyses des usages : qualitative & quantitative
Ainsi, dans un contexte où la majorité des paramètres auront été pensés pour assurer un bon fonctionnement et des usages efficients, on pourra, à partir de là, définir les facteurs qui favoriseront un suivi cohérent et une analyse progressive de ces usages.
Au-delà des questions techniques et proprement pédagogiques, il s’agit bien de questions liées à l’humain, où l’implication de tous les acteurs est primordiale dans le suivi des usages : parents, enseignants, élèves animateurs volontaires.
C’est sur ce principe au sein de l’Observatoire des Pratiques Pédagogiques Innovantes et des Usages Multimédia (OPPIDUM), initié et mis en place par Pascale Luciani-Boyer, en charge des questions Education et Technologies au sein de l’AMF (Association des Maires de France) qu’ont été mis en place à Saint-Maur-des-Fossés les COCA (Comité Oppidum de Citoyenneté Active).
Dans le cadre d’OPPIDUM, observatoire destiné à améliorer à travers une méthodologie le lien entre investissements et usages, Pascale Luciani-Boyer explique comment les COCA permettent de réunir, au sein de chaque école, les élèves, les enseignants et les animateurs municipaux périscolaires disposant de nouveaux moyens numériques, ainsi que les parents, les élus, les conseillers TICE de l’inspection académique accompagnés d’experts de l’Université René Descartes, en charge du projet.
Dans chaque établissement scolaire, l’objectif est de :
- Mutualiser les moyens et les ressources disponibles pour l’animation pédagogique, la maintenance et la formation des acteurs,
- Faire émerger de nouveaux projets innovants,
- Suivre et évaluer tout au long du dispositif l’évolution des besoins des enseignants.
Ainsi lorsque certains enseignants ont utilisé des outils numériques en classe, ceux-ci peuvent décider de continuer ou d’y renoncer, s’ils paraissent inadaptés à leurs futurs besoins et, de les mettre à disposition d’autres collègues. Les enseignants peuvent donc revendiquer le droit à l’erreur.
L’objectif précise Pascale Luciani-Boyer n’est donc pas de saupoudrer les écoles d’équipements mais de permettre aux enseignants de tester les outils et de déterminer si leurs fonctionnalités sont et restent au fil du temps adaptées à leurs besoins.
Autre méthode, néanmoins complémentaire, collecter des indicateurs quantitatifs destinés à quantifier les usages des équipements.
Il s’agit là de la démarche de la région PACA, présentée par Éric Mazo chef du service des Technologies de l’Information Educatives au Conseil régional PACA, quia développé une culture de reporting et mis en place les moyens de collecter des indicateurs quantitatifs.
Ces indicateurs n’ont vu le jour qu’au prix d’une rationalisation et d’une centralisation. Outils d’aide à la décision, ils sont destinés à quantifier les usages et à mesurer les écarts par rapport à la moyenne.
La région PACA peut ainsi dégager des objectifs chiffrés, analyser les différentes situations, évaluer les futurs scénarii d’équipements et d’usages.
Quelle que soit la méthodologie utilisée pour analyser et suivre les usages, l’ensemble des intervenants soulignent le manque criant d’ingénieurs pédagogiques, l’impérative nécessité de définir préalablement des objectifs d’usages, et de développer un climat de confiance entre tous les acteurs, clé du succès de tout projet.