La fermeture des établissements scolaires du premier ou second degré pour cause de désertion des territoires n’est malheureusement plus un fait surprenant. Après les déserts de santé, pourrions-nous connaître des déserts éducatifs ? Quelles solutions l’Etat comme les territoires mettent-ils en place pour y remédier ?
Les différentes politiques de la ville ont, depuis des décennies, envisagé des stratégies pour attirer les populations sur les territoires grâce au développement économique, ou à l’emploi.
Aujourd’hui, les infrastructures numériques sont devenues l’un des fers de lance de l’attractivité territoriale dont fait partie le numérique dans les écoles.
Et si au-delà des murs et des équipements, les usages innovants avec les technologies numériques pouvaient avoir un impact sur l’attractivité des établissements et des territoires ?
Dés 2005, un rapport du ministère de la ville soulignait l’importance de l’innovation dans les écoles, dans la lutte contre la désertion des territoires au profit des mégapoles.
Depuis, le numérique dans les écoles n’a eu de cesse d’évoluer et les programmes de se multiplier.
On se souvient du programme PrimTice lancé par le ministère de l’Education Nationale en faveur du développement des tableaux numériques interactifs, de l’opération ENR, Ecole Numérique Rurale, et des deux rapports sur la réussite du numérique à l’Ecole de Jean Michel Fourgous, pour ne citer qu’eux.
« L’effet vitrine des collèges connectés »
Aujourd’hui, tous les acteurs de l’Education sont concentrés sur cette nouvelle étape que constitue le projet de Vincent Peillon : faire entrer l’école dans l’ère du numérique, dont l’un des volets est dédié aux « Collèges connectés ».
Pour Julien Llanas, en charge de ce projet à la DGESCO,
« le numérique dans les établissements constitue un formidable accélérateur d’attractivité des territoires ».
C’est la raison pour laquelle a été sélectionné dans chaque académie, dans les zones rurales ou en zone d’éducation prioritaire, un collège pilote , afin de créer « un effet vitrine, un rayonnement » auprès des autres collectivités alentour.
Mais les critères de sélection de ces collèges pilotes, choisis pour leurs engagements préalables en faveur du numérique et soutenus dans cet élan depuis les années 2000, suscitent de vifs débats dans la salle :
« Ne sommes-nous pas en train de créer une sur-fracture territoriale, en privilégiant des établissements déjà connectés, et de sur-capitaliser sur la technologie au lieu de se concentrer sur les besoins premiers d’usages numériques » arguent certains.
Quoiqu’il en soit, le ministère s’investit fortement dans le cadre d’actions expérimentales, en faveur des « collèges connectés » afin de créer « un effet de longue traine et permettre aux différents territoires de prendre exemple sur ces actions ainsi initiées ».
L’attractivité du numérique éducatif, une œuvre de co-construction territoriale
Le rôle et le maintien des services publics en milieu rural prennent de ce fait toute leur ampleur pour permettre de créer des pôles d’attractivités économiques dans les territoires.
En particulier, grâce à leurs capacités de réunir les compétences nécessaires autour de tels projets et de créer des consortiums efficaces.
C’est exactement l’expérience qu’en ont fait les deux territoires, la Manche et La Saône et Loire.
Agathe Bush, chef de projet e-Edu de Manche Numérique, salue à cet effet l’efficacité du comité de travail créé autour de l’intercommunalité des villes de la Manche.
« L’une des principales motivations a justement été de lutter contre la fermeture d’établissements et de créer des pôles d’éducation numérique attractifs pour les populations » précise Agathe Bush.
Grâce à la multiplicité des partenariats avec les établissements, les enseignants, les gestionnaires de réseaux ou les CDDP, la Manche numérique a pu identifier les besoins et mutualiser les commandes au sein d’une centrale d’achats car « les bons choix d’équipements et d’infrastructures numériques restent essentiels pour optimiser l’attractivité des territoires par le numérique éducatif » précise t-elle.
Même discours du côté du Conseil Général de Saône et Loire, représenté par Jean-Michel Martin, DSI au Conseil général, et au sein du consortium d’attractivité économique TED (tablette pour une éducation digitale), suivi par la DGESCO.
Retenu dans le cadre d’un appel à projet national sur les investissements d’avenir, le projet TED représente un réel espoir pour le Conseil Général en matière d’attractivité territoriale.
Les acteurs et les investissements qu’il a su mobiliser autour de ce projet en sont une manifestation probante.
Entre le département, le CRDP, et la Caisse des Dépôts de Consignation, ce n’est pas moins de 3 114 000 euros, que les services publics ont déployé pour ce projet, sur les 6 500 000 euros engagés au total avec les entreprises privés françaises Unowhy, Sejer, et Logosapience, dont les fonds sont, pour certains, issus également de financements publics.
Jean-Michel Martin tient à préciser qu’en matière d’attractivité économique, seuls des projets ambitieux, « chauvins » et bien pensés permettront une co-construction territoriale et une communication efficiente.
En effet, TED, qui repose sur le travail d’entreprises françaises, n’est pas un simple projet d’équipement en tablettes. Il s’agit d’une solution évolutive conçue pour des usages pédagogiques, adaptés aux besoins et aux contraintes des enseignants : une expérimentation sur un long terme et de grande envergure, soutenu par un consortium d’experts pluridisciplinaires dédié aux équipements, contenus, formations, suivis, évaluations, etc.
Au-delà de l’ambition d’attractivité économique, un tel projet permet par ailleurs, selon Jean Marie Drouet, principal au collège d’Ax les Thermes d’attirer et de retenir les enseignants dans les établissements.
Les tablettes, les tableaux numériques interactifs, et la présence d’un bon débit internet constituent, selon lui, des éléments concourant à la motivation des enseignants, particulièrement difficiles à maintenir dans les régions éloignées des grandes mégapoles.
Car, quand certaines régions n’enregistrent aujourd’hui qu’un très faible débit internet ou quasi nul , celles-ci pourront-elles réellement faire face au resserrement de la bande passante, avec l’arrivée imminente des manuels numériques et des Espaces Numériques de Travail, malgré les efforts des pouvoirs publics à installer le très haut débit, que l’on sait si coûteux en période de crise ?
Au-delà de l’impact social, que l’on lui attribue fréquemment, le numérique éducatif joue également un rôle dans notre écosystème, telle la promesse d’un territoire attractif et dynamique, qui se déjouerait des déserts ruraux et économiques.
Article rédigé par Marie-France Bodiguian, Cabinet AMO-TICE